Introduction
16 octobre 2020 : l’effroi, l’épouvante, la terreur. Le professeur d’histoire-géographie Samuel Paty est assassiné à Conflans-Sainte-Honorine, à la sortie des cours.
La réponse politique classique « à la française », ne se fait pas attendre.
Pour rappel, pour chaque problème, la classe politique française dispose dans son arsenal de 3 outils : une taxe, une subvention, ou un comité. Ou les trois.
Ce coup-ci, c’est bien la distribution de subventions-à-base-d’argent-magique qui sera retenue. C’est ce qui engendrera la polémique dite du « Fonds Marianne »1. Un fiasco2 financé par nos impôts, à hauteur de 2,5 millions d’euros.
Pourtant, régler les causes profondes ayant provoqué l’assassinat de Samuel Paty ne coûtait même pas 1 euro, mais uniquement un changement radical de philosophie dans les politiques publiques.
C’est ce que le présent article entend démontrer.
Les conséquences du « pas de vagues »
La situation de contestation des enseignements et de l’autorité du maître vécue par Samuel Paty jusqu’à son assassinat est symptomatique de la politique du « pas de vagues ».
Documenté depuis maintenant au moins quelques années, la politique du « pas de vagues3 » est sûrement le premier symptôme visible de la déliquescence totale de l’école française.
Dénoncée massivement via twitter dès 2018 par plusieurs dizaines de milliers de professeurs, en quoi consiste cette politique ?
En voici quelques exemples4 :
- Professeur agressé au cutter, absence totale de réaction de l’établissement ;
- Lycéen s’exhibant en plein cours, la hiérarchie demande au professeur de « mieux gérer sa classe » ;
- Lycéen braquant un professeur en plein cours5, l’élève est mis en examen et remis en liberté aussitôt ;
Si le gouvernement avait de choisi de faire des vagues à chaque évènement de ce type et de réprimer sévèrement élèves & parents lors de chaque incident, le climat de défiance qui règne actuellement à l’école ne se serait sûrement jamais installé.
Si ce climat de défiance ne s’était pas installé, Samuel Paty aurait très sûrement pu, avec l’aide de sa hiérarchie et des autorités, « reprendre » la main sur sa classe et éviter que les élèves & parents contestataires se croient tout permis, jusqu’à monter cette coalition sordide contre lui.6
Cependant, cette politique du « pas de vagues » n’a jamais été remise en cause, et ne l’est pas plus aujourd’hui.
Samuel Paty et tant d’autres professeurs en payent et continueront à en payer le prix fort.
Quelle est la solution à ce problème ? Combien cette solution coûterait-elle au contribuable français ?
La solution est simple : remettre immédiatement en cause le pas de vagues. À chaque comportement déviant détecté, le ministre ou un secrétaire d’Etat concerné devrait se rendre sur place. Puis, mobiliser la police, les services sociaux, le procureur de la République, le proviseur. Faire des exemples, faire comprendre aux élèves et aux parents que ces comportements ne seront plus jamais tolérés. S’il le faut, faire tomber des sanctions pénales sévères le plus rapidement possible. Lâcher une bonne fois pour toutes la philosophie du « pas de vagues », assurer aux enseignants qu’ils n’ont pas à subir tout cela et les soutenir dès la première seconde, dès la première injure, dès les premières intimidations.
Coût estimé des mesures citées ci-dessus : 0 € !
Tout repose sur un changement de philosophie politique, en s’appuyant sur des services et des moyens déjà largement existants (qui sont parfois sous-dotés, mais c’est un sujet plus global).
Certes, ces mesures seraient coûteuses en terme de « capital politique ». Mais, pas un euro de dépensé pour le contribuable.
Au lieu de faire tout cela, qu’ont fait les différents gouvernements qui se sont succédés ?
Rien. La poussière a été mise sous le tapis. On a donné quelques millions à Marlène Schiappa. Business as usual.
L’absence de prise en compte des signaux faibles
Si l’assassinat de Samuel Paty aurait sûrement pu être évité en mettant un terme à la politique précitée; une meilleure prise en compte des signaux faibles sur les sujets d’islam, de radicalisation, et de montée de l’antisémitisme dans les écoles, aurait très sûrement permis d’éviter que l’école française devienne un terreau aussi favorable à la propagation des pires idéologies.
C’est en 2002 que paru l’ouvrage collectif « les territoires perdus de la République7« , de Georges Bensoussan.
Au programme du livre : témoignages et statistiques démontrant la montée dans l’école française de l’antisémitisme, de la francophobie, de l’anti-occidentalisme, de la haine de la France, de la mysoginie, et bien d’autres.8
L’objet de cet article n’est pas de faire un résumé complet de ce livre : nous invitons nos lecteurs à se le procurer et à le lire. Ce livre est un signal faible (tout de même assez fort en vérité) qui laissait très clairement entrevoir le contexte qui s’est dorénavant installé dans l’école française.
Deux ans plus tard, en 2004, c’est le rapport Obin9 qui sera remis au ministre de l’éducation nationale de l’époque (un certain François Fillon).
Le rapport Obin explique notamment que :
Dans certains cours d’histoire-géographie, certains élèves musulmans « refusent d’étudier l’édification des cathédrales, ou d’ouvrir le livre sur un plan d’église byzantine, ou encore d’admettre l’existence de religions préislamiques en Égypte ou l’origine sumérienne de l’écriture ». Le rapport pointe également que « la laïcité est contestée comme antireligieuse en éducation civique » ; « les propos négationnistes sont fréquents » concernant la Shoah.
En cours de mathématiques, certains élèves refusent « d’utiliser tout symbole ou de tracer toute figure (angle droit, etc.) ressemblant de près ou de loin à une croix. Dans un lycée professionnel, « des élèves, la totalité parfois, refusent de cuisiner du porc et de manipuler et goûter la viande non consacrée ». Vestimentairement, « les cas les plus nombreux concernent des élèves souhaitant affirmer leur appartenance à la religion musulmane »
D’un point du vue territorial, le rapport pointe que certains quartiers français sont « “tombés aux mains” des religieux et des associations qui les contrôlent ».
Tout cela ne débouchera que sur la loi de 2004 sur les signes religieux ostentatoires à l’école. Qui aurait pu croire, vu la situation désastreuse décrite dans les écrits mentionnés ci-dessus, que cela serait suffisant ?
Les élèves et parents ayant lancé cette cabale contre Samuel Paty s’inscrivent pleinement dans tous les comportements dénoncés par ces textes du début des années 2000. Textes d’ailleurs confirmés par les services de renseignements10.
Tout cela était donc anticipable.
Depuis au moins le début des années 2000, les problèmes liés au séparatisme islamique dans les écoles étaient donc connus, documentés, renseignés, explicités.
Qu’en a fait le pouvoir politique ?
François Fillon nie avoir « enterré » le rapport mais admet qu’il n’est sûrement pas « allé assez loin »11. Serait-il capable de réitérer des excuses aussi pathétiques devant la famille de Samuel Paty ? Ou devant chaque professeur victime du pas-de-vaguisme, du manque d’autorité, ou de l’entrisme islamiste à l’école ? Jusqu’où ira l’irresponsabilité généralisée de notre classe politique ?
Qu’ont fait les successeurs de Monsieur Fillon sur ces sujets là ?
Rien.
Ou pire : des subventions et des comités. Pour faire semblant d’agir, sans régler les causes profondes.
Qu‘aurait-il fallu faire ? Combien tout cela aurait coûté contribuable français ?
Là encore, c’est avant tout d’un changement philosophique dont nous avons besoin : affronter les problèmes (et en payer le coût « politique », certes) au lieu de mettre la poussière sous le tapis.
Au lieu d’enterrer ces sujets, il aurait fallu les mettre en exergue et les rendre incontournables dans le débat politique. Si l’on n’ose même pas parler de ces problèmes, comment espérer les résoudre ?
Après avoir mis ces sujets sur la table, il aurait fallu mettre en place un certain nombre de politiques, notamment à l’école : convocation des parents et suivi régulier dès les premiers propos déplacés, sanctions sévères dès les premières contestations du programme scolaire, saisine du procureur dès les premiers propos antisémites ou dès les premiers harcèlement des enseignants, réunion avec les services sociaux, etc …
Ici aussi, les services étatiques mentionnés existent déjà et tout cela ne coûterait pas un euro de plus au contribuable.
Mais là encore, mettre ces sujets sur le devant de la scène aurait eu un coût en capital politique et en image. Un coût sûrement trop grand pour que nos hommes politiques l’assument.
Surtout, si tout cela avait été fait, Samuel Paty n’aurait-il pas été mieux armé pour faire face aux élèves et aux parents qui contestaient son enseignement sur la laïcité ?
Si ce changement de philosophie avait été mis en œuvre, Samuel Paty aurait-il rencontré les mêmes problèmes de fermeture d’esprit des parents et des élèves ? Cette cabale contre lui aurait-elle fini de la même manière ?
La lâcheté généralisée du fonctionnariat français
Si, comme démontré précédemment, nos hauts fonctionnaires et nos hommes politiques ont été d’une inconséquence et d’une inefficacité incroyables, qu’en-est il des professeurs eux-mêmes ?
Hélas, pris entre les pressions des élèves et des parents, et le manque de soutien de la hiérarchie, il est évident que les enseignants eux-mêmes manquent de courage.
Samuel Paty n’a globalement pas été soutenu par ses collègues. La plupart se sont « désolidarisés ».
Cela en dit long sur l’absence de résilience des enseignants face aux pressions anti-laïcité.
À leur décharge, le manque de soutien et d’anticipation émanant des pouvoirs publics, comme démontré plus-haut, ne contribue bien évidemment pas à améliorer cette résilience.
Si les collègues de Samuel Paty ne souhaitaient déjà pas le soutenir en public ou auprès des élèves, divers médias relèvent que, dans un contexte plus intime (e-mails sur la messagerie interne de l’école12), certains collègues se déchainaient contre le malheureux enseignant.
La presse nous apprend notamment que :
Une professeure expérimentée écrit: “Je ne soutiens pas notre collègue. Il a mis en danger la communauté éducative”. Un autre prof ajoute: “on ne met pas des élèves dehors parce qu’il pratique telle ou telle religion. Mon éthique m’interdit de me rendre complice de ce genre de chose”.13 14
Nous serions curieux de savoir si l’enseignante en question a depuis révisé son « éthique » : laisser en pâture aux élèves et aux parents d’élèves un collègue qui essaye juste d’enseigner le programme scolaire et les principes fondamentaux de la république, est-ce bien « éthique » ?
Là encore : si Samuel Paty avait eu un soutien total et inconditionnel de ses collègues et de sa hiérarchie, les choses n’auraient-elles pas eu une chance de mieux tourner ? N’aurait-il pas été possible d’instaurer un dialogue direct avec les parents, en montrant que Samuel Paty avait tout le soutien de son institution ? Cette cabale contre lui aurait-elle pu aller jusqu’au bout ?
Que faut-il faire ? Combien tout cela coûterait au contribuable français ?
Une fois de plus, il n’est pas question de finances ou de manque de moyens.
Ce que révèle l’affaire Paty, d’une manière très éloquente, est non seulement l’absence de soutien de la hiérarchie, mais aussi l’absence de soutien des enseignants à l’égard des autres enseignants. Les professeurs semblent désarmés psychologiquement face à l’entrisme islamique et face à leur propre manque d’autorité.
Pourtant, réaffirmer l’autorité de l’Etat et des enseignants ne coûte là encore rien du tout.
Il suffirait d’un ministre de l’éducation nationale volontariste, qui soutiendrait publiquement les professeurs dès le moindre incident. Qui se « rendrait sur la place » à chaque atteinte à la laïcité. Qui mettrait le problème sur la table, et qui impliquerait tous les services de l’État pour remettre les élèves et les parents à leur place. Qui mettrait en œuvre, instantanément, toute la réponse pénale appropriée et prévue par la loi, pour protéger les agents de l’État.
Si les dirigeants prenaient la peine de donner l’exemple, il serait fort probable que la base des enseignants suive.
Conclusion
Pourquoi les gouvernements successifs n’ont-ils rien fait ?
Force est de constater que nos dirigeants n’ont absolument pas anticipé les problèmes décrits dans cet article.
Mais pourquoi n’ont-ils rien fait ?
Répondre d’une manière exhaustive à cette question nécessiterait probablement un article ou un livre entier (ndlr : à venir ici, bien sûr).
Certaines raisons ayant poussé nos dirigeants à l’inaction ont déjà été abordées plus haut : souci de l’image, vouloir éviter d’être catalogué comme « trop à droite », coût en capital politique trop élevé … Il faudrait ajouter à tout cela une dose d’aveuglement idéologique et d’incompétence, bien sûr.
Il y a d’autres raisons, certainement. Cette conclusion n’a pas pour but de toutes les lister.
Le lecteur devra garder en tête un élément, de nature psychologique : affronter la réalité, que ce soit au niveau individuel (dans la vie de tous les jours) ou au niveau politique est d’une extrême difficulté pour beaucoup de gens. Ainsi, de nombreux citoyens et de nombreux hommes politiques préfèrent essayer de ne pas composer avec la réalité tant que cela est possible.
Cependant, la réalité finit toujours par nous revenir en plein dans la figure. Plus on tente de l’esquiver plus elle revient avec force. Et c’est exactement ce qui nous arrive en ce moment sur les sujets liés à l’immigration, à l’identité, et à l’éducation.
Ce que l’avenir nous réserve
Où en sera l’éducation nationale (et la France) d’ici 5 ans ? 10 ans ? 20 ans ? 50 ans ?
La réponse est simple : les causes profondes de la désagrégation du système éducatif n’ayant pas été traitées, les situations de ce type ne peuvent à l’avenir que se démultiplier et se reproduire. Autrement dit, la situation va empirer.
Et, sous la pression démographique liée à l’immigration, elle risque d’empirer de plus en plus vite.
D’ailleurs, les enseignants ont enregistré le message laissé par cet attentat : 56 % des enseignants déclarent s’auto-censurer à l’école.15
Nos enfants n’apprendront donc que ce que les professeurs oseront dire; ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour le niveau des élèves, qui ne cesse d’ailleurs de chuter.16
- fr.wikipedia.org/wiki/Fonds_Marianne ↩︎
- https://www.marianne.net/politique/fiasco-du-fonds-marianne-ce-que-contient-le-rapport-du-senat-qui-flingue-marlene-schiappa ↩︎
- linternaute.com/actualite/societe/1749559-pas-de-vague-la-colere-des-profs-s-exprime-sur-twitter/ ↩︎
- nouvelobs.com/education/20181022.OBS4297/j-aurais-aime-etre-soutenue-face-aux-violences-des-profs-expriment-leur-desarroi-sur-twitter.html ↩︎
- nouvelobs.com/societe/20181020.OBS4237/tu-me-mets-present-a-creteil-un-lyceen-braque-sa-prof-avec-une-arme-factice.html ↩︎
- https://www.sudouest.fr/justice/assassinat-de-samuel-paty-prise-dans-un-engrenage-la-collegienne-avait-menti-confirme-son-avocat-1547862.php ↩︎
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Territoires_perdus_de_la_R%C3%A9publique ↩︎
- https://www.marianne.net/societe/territoires-perdus-de-la-republique-retour-sur-une-omerta-francaise ↩︎
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Rapport_Obin
↩︎ - https://rmc.bfmtv.com/actualites/societe/education/atteintes-a-la-laicite-a-l-ecole-cette-note-s-inscrit-dans-un-contexte-islamophobe_AV-202206150416.html#:~:text=Les%20entorses%20%C3%A0%20la%20loi,trimestre%2C%20contre%2097%20au%20premier. ↩︎
- https://www.rtl.fr/actu/politique/samuel-paty-rapport-obin-voile-a-l-ecole-francois-fillon-sort-du-silence-7800908189 ↩︎
- https://rmc.bfmtv.com/actualites/police-justice/des-e-mails-et-des-doutes-ce-que-revelent-les-derniers-jours-de-samuel-paty_AV-202011190559.html ↩︎
- https://rmc.bfmtv.com/actualites/police-justice/des-e-mails-et-des-doutes-ce-que-revelent-les-derniers-jours-de-samuel-paty_AV-202011190559.html et https://www.europe1.fr/societe/ce-que-samuel-paty-a-dit-a-sa-hierarchie-et-ses-collegues-avant-sa-decapitation-4006469 ↩︎
- Samuel Paty n’a en réalité jamais exclu qui que ce soit de son cours. Cette « collègue » a-t-elle au moins été entendre la version de M. Paty ? https://www.liberation.fr/societe/education/assassinat-de-samuel-paty-la-collegienne-a-lorigine-des-accusations-contre-lenseignant-a-avoue-avoir-menti-20210307_RN4PGHVOR5CMJKFN3VEVMMWMVA/ ↩︎
- https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/histoires-politiques/histoires-politiques-du-vendredi-09-decembre-2022-2045066 ↩︎
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Programme_international_pour_le_suivi_des_acquis_des_%C3%A9l%C3%A8ves ↩︎